À propos de
mai 6, 2021
Mon histoire commence par celle de mes parents. Ma mère, Im Nam, qui fuit le Cambodge
pour la Thaïlande en 1981, seule avec trois de ses quatre enfants. Et mon père, Soeung
Soeun, qui en 1978, emprunta l’identité d’un camarade conduit en camp de travail, pour
obtenir un visa d’étude. De leur rencontre à Stains (Seine Saint Denis) en 1982, naîtront 3
enfants dont je suis l’aîné.
Nous n’avons recueilli que peu de témoignages de leur douloureux passé. Tout a été si
soigneusement enfoui que nous en sommes toujours à émettre des hypothèses sur
l’origine de leur mutisme. Peur, pudeur, déracinement, désœuvrement. Le terreau de
nombreuses révolutions sociales et culturelles.
Identité fluide à la confluence de mon héritage cambodgien et de ma culture française, mes
travaux portent là où l’encre devient ancre symbolique jetée aux cœur des pensées qui
traversent l’âme humaine et permet d’en faire la cartographie.
A l’instar des Apsaras, ces danseuses célestes khmères dont les seules mains expriment le
conflit entre forces naturelles et forces spirituelles, j’utilise l’eau afin de guider mes encres
dans une transe libérant des émotions cachées dans la toile de mon inconscient.
Dans ce ballet aquatique de mes sentiments je souhaite retranscrire un parcours: un
ruissellement nous amène vers un passé, une histoire, un héritage ancré en soi.
L ’acte de peindre qui jaillit ici et là : de la douceur et de la déchirure qui viennent
réaménager les formes, les intensités, changer les fleuves du destin. Creuser, tailler la
matière comme on peut forer dans la terre jusque dans ses entrailles.
Je travaille sur différentes techniques de gravure que j’applique sur différents supports.
Fragile et dur à la fois, ils témoignent d’une civilisation ancestrale qui me surprend.
L’intime, le corps, l’œuvre, portent cette trace.
Ces années passées dans l’impression textile, j’ai dessiné à profusion. Ces tombereaux de
motifs mon naturellement emmenées vers la gravure lithographique et taille douce.
Ainsi, je me suis approprié l’écriture Khmer. Timidement puis voluptueusement, amoureux
de ces graphèmes si incurvés, sensuels et humbles. Acquis précieux d’une reconquête de
mes origines, ancrage de mon travail personnel empreint de nature, de couleurs et de
mouvements. je continue dans une démarche et volonté d’évoluer et d’exprimer une forme
de création me faisant rechercher formes et couleurs, peintes, dessinées, imprimées ou
gravées.
J’ai suivi un apprentissage de cinq années en lithographie et gravure aux Ateliers des
Beaux-Arts de la ville de Paris. Depuis j’ai pu réaliser plusieurs expositions ainsi qu’une
résidence en août 2020 à l’Académie de France à Rome Villa Médicis.